Dans toutes les zones où le chant traditionnel s’est bien préservé, on observe son omniprésence dans la vie quotidienne ancienne. Il en est bien ainsi pour cette partie du Bocage : la chanson rythme le cours des jours et des choses. Il n’y a guère que les temps de deuil qui interrompent son expression. Elle s’inscrit donc tout naturellement dans les moments collectifs de travail (cf. la chanson La mécanique est morte relative aux battages à la machine) ou de fête.
Les noces particulièrement sont accompagnées d’un cortège de chansons et le lieu privilégié pour entendre certaines chansons caustiques, ou plus solennelles comme la chanson De l’île des Bourbons. Celle-ci se retrouve dans une bonne partie du département de l’Orne et était anciennement interprétée en dialogue entre la jeunesse du pays, qui venait s’inviter à la noce, et les convives.
- Noce à Magny-le-Désert en 1926. Coll. part.
La musique et la danse restent quant à elles plus l’apanage des moments de fêtes. Lors des mariages bien sûr mais aussi, dans le secteur de Passais-la-Conception, à l’occasion du transport du trousseau qui se déroulait généralement une semaine avant la noce elle-même. M. Demeslay, accordéoneux à Passais-la-Conception - et son père, violoneux, avant lui - a ainsi accompagné nombre de trousseaux jusque dans les années 1930. Cette pratique n’a, à notre connaissance, pas été relevée ailleurs en Normandie.
- Conscrits de Saint-Bômer-les-Forges, classe 1950. Coll. part.
D’une manière plus générale, concernant les traditions populaires, on note sur différentes communes (Céaucé, Saint-Denis-de-Villenette, La Baroche-sous-Lucé, la Sauvagère...) l’usage qu’ont les conscrits de planter symboliquement un arbre ou une gaule (bouleau ou sapin, principalement), ornée à son sommet de cocardes, rubans... devant le café du pays où ils vont faire la fête. La gaule y reste un an, jusqu’à ce que les conscrits de l’année suivante la remplacent par une autre, à un emplacement variant selon le café choisi.
- Gaule de conscrits plantée dans le bourg de Champsecret
Cette zone n’a révélé aucune tradition de feux : les premières attestations de feux de taupes et mulots démarrent juste un peu plus au nord, du Châtellier au Ménil-de-Briouze, singularisant ainsi ce territoire du reste du Bocage ornais. Le Domfrontais et le Pays Fertois partagent par contre avec le reste du Bocage l’absence de quêtes rituelles, de la période du nouvel an au temps de Pâques, qui donnent souvent lieu à chansons là où ces pratiques sont en usage. Le carnaval ne fait pas non plus l’objet de festivités particulières... Cet état des lieux en creux laisse apparaître une sociabilité de la fête bien présente sur cette zone mais qui reste relativement peu attachée au calendrier religieux, par rapport à d’autres territoires normands (Cotentin, Pays de Caux...).
Le Domfrontais et le Pays Fertois