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Echos de stage

jeudi 3 juin 2021

Je m’appelle Titouan Buchet et je suis actuellement en Master 2 Histoire et patrimoine à l’Université de Caen. Depuis la mi-janvier de cette année, j’effectue mon stage professionnel au sein de l’association La Loure. En cette fin mai, mon stage s’achève, synonyme de réouvertures et de reprise des activités pour l’association.

Il y a un an, comment pouvais-je imaginer l’étendue des enjeux qui se cachent derrière la collecte et la promotion des chansons traditionnelles ? En tant que jeune étudiant de la classe moyenne habitant en ville, ma culture musicale n’avait pas grande proximité avec les répertoires traditionnels. J’aimais surtout le blues, le rock, les standards contemporains. Bref, rien de bien hors du commun. Tout au plus considérais-je les musiques traditionnelles comme une trace d’un ancien temps, mais sans percevoir ce que recouvraient leur conservation et leur promotion. J’ignorais mon ignorance.

En septembre dernier, Yvon Davy, directeur de la Loure, est venu nous donner cours à l’université sur la méthodologie de l’histoire orale. Un sujet très classique dans notre master, tant et si bien que je n’attendais pas grand-chose de ces heures. Mais tout à coup, je me retrouve face à un intervenant qui n’hésite pas à chanter de bon cœur « en revenant de noces, j’étais bien fatigué, lidéra la la » face à 25 élèves un peu gênés sur leur chaise, mais heureux de sortir un instant du cadre formel du lieu. Au-delà de la surprise, je me suis trouvé durant ce cours plongé au cœur de sujets qui m’ont captivé. Moi qui pensais que la chanson traditionnelle n’était qu’une survivance d’un passé lointain, je ne m’attendais pas à découvrir autant d’enjeux historiques et scientifiques derrière leur conservation. Je ne tardais pas à me rendre compte que la chanson traditionnelle agit en tant que marqueur social et peut voyager entre différentes communautés par des processus de transferts culturels. J’ai par exemple découvert la contribution très conséquente de la Normandie au peuplement du Québec (près d’un millier de Normands ont traversé l’Atlantique au 17e siècle) et l’apport qui a dû en découler en matière de chansons. Même les chansons traditionnelles connectent les territoires...

En fin de cours, j’ai voulu encore approfondir le sujet, ma curiosité n’ayant pas été rassasiée. C’est donc tout naturellement que je suis allé me présenter pour participer au stage de 4 mois qui nous était proposé au sein de La Loure.

En janvier, j’ai eu ainsi le plaisir de rencontrer Yvon et Etienne, son collègue, au local de l’association à Vire. J’ai pu aussi cerner un peu mieux le thème de mon stage : décrire la collection de cahiers de chansons rassemblée par La Loure. Lorsqu’ils m’ont pointé du doigt l’étagère où se trouvait la masse de cahiers de chansons qu’il me fallait décrypter, j’ai mesuré l’ampleur du travail à accomplir : c’était des centaines et des centaines de pages de chansons à inventorier, représentant plus de 20 ans d’enquêtes. Un vrai travail de fourmi !

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Extrait d’un cahier de Denise Montcarré, de Truttemer-le-Grand (14).

J’ai donc d’abord dressé les tables des matières de chaque cahier, en repérant les chansons traditionnelles de celles non traditionnelles, puis j’ai rentré toutes ces données dans un gros tableur excel. En tout, plus de 12.000 titres inventoriés ! Puis, je me suis plongé dans les fameux catalogues Coirault et j’ai recherché la cote de chaque chanson traditionnelle repérée, soit environ 2.000 titres pour l’ensemble.

Quel bonheur pour un historien en herbe comme moi d’être confronté directement à des documents présentant les répertoires qui furent chantés par le plus grand nombre durant le passé ! Je me retrouvais ainsi plongé dans le quotidien des habitants de Normandie qui, durant des siècles, ont appris et réappris, réinventé aussi, ces chansons qui rythmaient leurs journées, qui animaient leurs soirées.

Malheureusement, situation sanitaire oblige, je n’ai pas pu « tâter le terrain » et mener moi-même des enquêtes auprès de personnes âgées. Mais au moins, j’ai pu participer fin mai, durant une après-midi, au stage de chant proposé par l’association à Vire. Enfin j’ai pu percevoir ce que sont les activités festives de l’association, en dehors du travail de bureau ! Une petite frustration de ce côté-là donc, mais cela n’obscurcit pas l’enthousiasme que je ressens à propos de ce stage.

C’est tout naturellement que j’ai adhéré à La Loure, et j’espère de tout cœur pouvoir dans le futur apporter ma contribution à la vie de l’association !

Titouan Buchet, le 31 mai 2021.